Domaine de la loi
Traditionnellement on définit la loi formellement comme acte voté par le Parlement. La constitution de 1958 substitue une définition matérielle. Est loi tout acte qui intervient dans les matières que la constitution a réservé au Parlement.
La loi est définie à l'article 34, il énumère limitativement les matières que relèvent du domaine de la loi. Le domaine de la loi est limité verticalement. La loi fixe les règles en matière de libertés publiques, en matière d'état des personnes, en matière pénale, en matière d'impôt et les règles en matière d'élection.
Pour d'autres matières elle fixe les orientations générales ; organisation de l'armée, l'organisation des collectivités territoriales.
Les règles sont précisément fixées par les règlements.
La compétence du législateur est une compétence d'attribution, toutes les compétences qui ne sont pas citées à l'article reviennent à l'autorité règlementaire. Dans le silence des textes la compétence appartient aux règlements. L'exécutif détient une compétence de droit commun.
Le règlement a une compétence subordonnée quand il exécute la loi, il est autonome dans une matière qui n'est pas énumérée par l'article 34.
Le critère formel garde une partie de son importance, car l'article 34 alinéa premier indique que « la loi est votée par le Parlement », mais la loi peut émaner d'autres autorités.
Le peuple peut intervenir par la voie référendaire, la loi peut émaner du Président de la République sous forme de décision en cas d'application de l'article 16.
Le gouvernement peut intervenir dans le domaine de la loi sous forme d'ordonnance avec l'aval du Parlement.
La loi peut émaner d'autorités administratives, des collectivités territoriales qui détiennent un pouvoir d'expérimentation législative (article 37-1) les collectivités territoriales lorsque la loi l'a prévu peuvent déroger à titre expérimental peuvent déroger aux dispositions législatives qui règlent l'exercice de leurs compétences.
Elles ont vocation à être généralisées ou abandonner.
La constitution reconnaît un pouvoir d'adaptation législative au profit des départements d'outre-mer à l'exception de la Réunion. Elle permet aux départements d'outre-mer sur habilitation législative de déroger à la loi en lui apportant des adaptations dans les matières ou ces collectivités exercent leurs compétences et leur permet de fixer les règles applicables dans un nombre de matières qui sont du domaine de la loi.
L'article 73 énumère une longue liste de matières qui ne peuvent faire l'objet d'adaptation, l'habilitation ne peut pas être accordée quand est mise en cause l'exercice d'une liberté publique ou d'un droit fondamental.
La loi peut émaner d'autorités autonomes, certaines collectivités d'outre mer (relevant de l'article 74) sont dotées d'une autonomie de type fédéral qui leur attribue une compétence législative, ce sont les Pays d'Outre Mer. La Polynésie française est dotée d'une assemblée qui vote les lois du pays, les lois sont promulguées par le Président, ces lois peuvent intervenir dans le domaine de la loi à l'exception des matières de l'article 73. Ces lois du pays conservent un caractère réglementaire.
Ces actes réglementaires sont contrôlés par le Conseil d'Etat, contrôle à priori dans le délai de promulgation. Il intervient également à posteriori en déclassant une loi du pays. Il peut déclasser une loi du pays ; plus possibilité du recours en annulation ou recours en excès de pouvoir.
Les lois du pays dans les domaines de compétences de la Nouvelle Calédonie sont promulguées par le Haut commissaire de la République. Elles peuvent être déférées au contrôle du Conseil constitutionnel dans un délai de 10 jours, avant promulgation. Le Conseil se prononce sur la répartition des compétences entre l'Etat et la Nouvelle Calédonie, il peut déclarer la loi du pays contraire à la constitution.
La loi peut émaner de l'UE, l'article 88-2 autorise des transferts de souveraineté pour permettre à l'Union de fixer des règles, qui relèvent du domaine de la loi, et qui sont relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.
Le critère matériel est également insuffisant parce que si le gouvernement l'admet le Parlement peut intervenir dans le domaine réglementaire, le gouvernement le plus souvent a accepté que le Parlement légifère dans le domaine du règlement.
Le Conseil constitutionnel a admis cette pratique dans une décision du 30 juillet 1982 : « par les articles 34 et 37 alinéa 1er la constitution n'a pas entendue frapper une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi mais a voulue à côté du domaine réservée à la loi, un domaine propre conférée au gouvernement le pouvoir par la mise en place de procédures spécifiques d'assurer la protection contre d'éventuels empiètements de la loi. »
Le domaine de la loi est actuellement d'autant moins limité que le gouvernement favorise la prolifération législatives, la loi n'est plus l'expression du pouvoir normatif, la loi est utilisée par le gouvernement et sa majorité comme un moyen d'action politique.
Le Conseil constitutionnel a fait une distinction entre les dispositions à caractère normatif et celles dont la portée normative est incertaine.
Dans sa décision du 21 avril 2005, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 7 de la loi Fillon qui n'avait aucune portée normative.
Le contrôle du domaine de la loi.
La constitution a prévu un organe spécial créé à l'origine pour vérifier l'activité du Parlement.
Le Conseil constitutionnel peut intervenir à différentes étapes de la procédure législative pour s'assurer du respect par le Parlement de la compétence exécutive.
Il peut intervenir avant que la loi ne soit votée, l'article 41 de la constitution permet au gouvernement de soulever une exception d'irrecevabilité si une proposition de loi ou un amendement est considéré comme relevant du domaine du règlement ou comme étant contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38. Concrètement un ministre va, au nom du gouvernement saisir le président de l'assemblée concernée pour lui demander de constater que tel ou tel amendement ressorti au domaine du règlement.
Il tranche dans un délai de 8 jours.
Il peut intervenir après le vote de la loi. En principe il peut intervenir entre le vote et la promulgation. Le premier ministre ou le Président peuvent saisir le CC pour constater que la loi ou une partie relève du domaine du règlement.
Or le Conseil constitutionnel dans ce domaine semble considérer que la saisine ne peut pas être utilisée pour défendre le domaine de l'article 37 (cf. décision 30 juillet 1982).
Le contrôle à posteriori est prévu à l'article 37. Le gouvernement peut faire intervenir le conseil qui distingue les lois d'avant 1958 et d'après.
Pour celles d'avant, le gouvernement peut modifier les dispositions à caractère règlementaire par décret.
Pour les lois intervenues après 1958, le gouvernement doit saisir le Conseil constitutionnel qui devra alors déclasser les dispositions.
Le domaine du règlement est contrôlé par le Conseil d'Etat qui annule les actes règlementaires illégaux.
La procédure législative
La constitution de 1958 règlemente minutieusement la procédure législative (39 o 48)
Elle prévoit des règles particulières pour les lois organiques et budgétaires.
Elle donne un rôle essentiel au gouvernement qui dirige la procédure devant chaque assemblée et qui dirige le fonctionnement du bicamérisme.
L'examen par chaque assemblée
Le droit d'initiative, prévu à l'article 39, est partagé entre le premier ministre et les parlementaires d'autre part sous la forme de projet de loi ou sous la forme de proposition de loi.
Les propositions peuvent émaner d'un ou plusieurs parlementaires sur le bureau de leur assemblée. La proposition ne doit pas porter sur des matières qui ne sont pas prévus à l'article 34.
Les parlementaires ne peuvent pas prendre d'initiative en matière de dépense public, aucune proposition de loi ne peut provoquer une diminution des ressources ou l'augmentation des charges publiques. Cela limite le pouvoir financier du Parlement, c'est une disposition du régime parlementaire (on le trouve dans le règlement de la chambre des communes depuis 1713), cette disposition a été introduite en France dans la constitution de 1946.
Cette disposition, puisque toutes les lois ont une incidence financière, risque de paralyser l'initiative parlementaire, elle supprime l'initiative des parlementaires pour les lois financières. Les lois financières sont toujours d'origine gouvernementale.
L'article 47 de la LOLF vise à restaurer les prérogatives des parlementaires en matière financière parce qu'il assimile la charge et la mission.
L'article 42 posait un principe d'interdiction d'amender les lois de finances.
Les pouvoirs des parlementaires sont également limités parce que l'ordre du jour des assemblées est maîtrisé par le gouvernement.
Les projets de loi émanent du premier ministre mais ils doivent être délibérés en Conseil des ministres. Ce n'est plus comme sous la IIIème où le Président avait l'initiative mais celui-ci joue un rôle dans les délibérations.
Il a pu retarder l'inscription d'une loi à l'ordre du jour, il n'a pu le faire que temporairement. Une intrusion durable aurait constitué du Président dans l'initiative des lois.
Les projets de loi doivent être soumis pour avis au Conseil d'Etat. L'avis n'est pas publié.
Il faut l'avis du Conseil économique et social pour les lois de programmes obligatoirement.
Les projets peuvent être indifféremment déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale ou celui du Sénat, seuls des lois particulières doivent d'abord être déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale comme les lois de finances et de financement de la Sécu.
Même priorité pour les lois qui portent sur l'organisation des collectivités territoriales ou celles sur les institutions représentatives des français de l'étranger.
Une fois déposées les textes sont immédiatement envoyés en commission, soit à une commission spéciale soit à l'une des 6 commissions permanentes. Les commissions désignent un rapporteur, les commissions ne peuvent pas modifier les projets de loi, elles peuvent simplement joindre en annexe des amendements ou elles peuvent modifier les propositions de loi.
Le texte doit être inscrit à l'ordre du jour (article 48) et l'inscription à l'ordre est à la discrétion du gouvernement, c'est «l'ordre du jour prioritaire », l'ordre du jour complémentaire doit être approuvé par les chambres.
Cette maîtrise de l'ordre du jour est une innovation, traditionnellement les chambres fixent elles même leur ordre du jour et procédure.
La loi constitutionnelle de 1995 prévoit qu'une fois par mois une séance doit être réservée à l'examen des textes qui sont d'initiative parlementaire, l'ordre du jour prioritaire est alors fixé par les assemblées.
La discussion s'ouvre sur le texte du gouvernement (article 42 alinéa 1er), les séances sont publiques (article 33), les ministres ont le droit d'accès et de parole et ils peuvent être assistés par des commissaires du gouvernement (collaborateurs du ministre).
Les textes peuvent être amendés mais le droit d'amendement est fortement limité par la constitution, il est limité en matière financière, il est limité également par l'article 34, 41 et 44 alinéa 2 qui permet au gouvernement de s'opposer à tout amendement qui n'a pas d'abord été soumis à une commission.
Il est également limité par le Conseil constitutionnel en deuxième lecture dans sa décision du 9 janvier 2006 sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme. Il a indiqué qu'à partir de la deuxième lecture les amendements doivent être en relation directes avec le texte en discussion et les dispositions adoptées en terme conforme par les deux assemblées ne peuvent plus être mis en cause.
Les textes peuvent ne pas être discutés si des parlementaires leur opposent une mention de renvoi en commission qui est une demande d'examen supplémentaire par les commissions, ou en cas d'irrecevabilité du texte pour inconstitutionnalité.
Idem si les parlementaires posent une question préalable qui tend à montrer l'inutilité du texte.
Le gouvernement peut intervenir pour faire voter un texte en utilisant des procédés de contrainte ;
Le vote bloqué est une procédure prévue à l'article 44 alinéa 3, le gouvernement peut demander à l'a
Assemblée à nationale ou au Sénat par un vote unique sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. Elle oblige le Parlement de se prononcer en bloc, elle permet au gouvernement de passer un texte sans amendement.
Le gouvernement peut engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, cette possibilité est à l'alinéa 3 de l'article 49.
Cette procédure permet au gouvernement un texte sans débat sans vote, il rend difficile l'adoption d'une mention de censure et rend difficile les amendements.
Le gouvernement maîtrise le fonctionnement du bicamérisme
Le Parlement étant bicaméral, les textes de loi doivent être adoptés en termes identiques par les deux assemblées (article 45). Il pose le principe d'un bicamérisme égalitaire, ce bicamérisme ne reste égalitaire que si le gouvernement n'intervient pas. Si le premier ministre n'intervient pas la navette entre les deux chambres peut être illimitée (comme parfois aux USA). S'il intervient il peut demander après deux lectures par chacune des assemblées ou après une seule lecture si le gouvernement a déclaré l'urgence, le premier ministre peut demander la formation d'une commission mixte paritaire composée de 7 membres de chaque assemblée chargée de trouver un compromis.
Si un compromis est trouvé le gouvernement peut soumettre le texte au Parlement et au cours des débats seuls les amendements acceptés par le gouvernement sont recevables.
Si aucun compromis n'a été trouvé, ou si le gouvernement n'approuve pas le nouveau texte, la navette reprend.
En toute hypothèse, le gouvernement après une dernière lecture peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement en utilisant éventuellement le vote bloqué.
L'Assemblée nationale a le dernier mot, que si le gouvernement intervient.
La procédure ne joue pas pour les lois constitutionnelles.
Avant la promulgation président peut demander une nouvelle délibération.
Après une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel elle est promulguée, publiée JO et devient obligatoire.
Procédure particulière
La procédure pour les lois organiques est prévu à l'article 46, les lois organiques interviennent pour compléter les dispositions de la constitution, plus forte que les lois ordinaires mais moins que la constitution.
Elles sont adoptées selon une procédure particulière, mais l'article 46 un délai de 15 jours à partir du dépôt du texte et la discussion sur le texte ne peut se dérouler qu'à l'issue de ce délai.
Si le gouvernement utilise la procédure 45 le texte de la loi organique doit être adopté à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale, dans le délai de promulgation, la loi organique doit être soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel.
Pour les lois financières ; article 47 pour la loi de finances et 47-1 pour le budget de la Sécu.
Le texte du projet doit être d'abord déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. La discussion est enfermée dans des délais, le texte en première lecture doit être adopté en première lecture dans un délai de 40 jours à l'Assemblée nationale, 15 pour le Sénat.
Le texte doit être adopté dans un délai global de 70 jours, le gouvernement peut mettre le budget par une ordonnance spéciale non soumise à ratification si ce délai n'est pas respecté.
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